30 Juil HISTOIRE ET SOCIÉTÉ PANORAMA BERBÈRE
HISTOIRE ET SOCIÉTÉ PANORAMA BERBÈRE:
Si un mot peut résumer l’histoire des Berbères, c’est celui de résistance. Résistance à la romanisation, d’abord-et peut-être même avant, à l’installation: des comptoirs phéniciens-, puis aux tentatives d’assimilation orchestrées par les Arabes, les Ottomans, les puissances coloniales européennes et les États d’aujourd’hui (en témoignent les revendications des Kabyles d’Algéric et des Touareg des pays du Sahel). On recense environ vingt millions de Berbères, répartis entre le Maghreb, l’Egypte, la Libye, le Burkina Faso, le Niger et le Mali. Au Maroc, ils sont douze millions (soit plus de 40% de la population). Le terme « berbère » vient du barbaros gréco romain. Sous l’influence du mouvement
identitaire, on tend à lui substituer celui d’Imazighen (au singulier, Amazigh), nom que se donnent les berbérophones du centre du Maroc et les Touareg. Le même mouvement promeut le tamazight, la langue berbère, qui connaît maintes variations dialectales. Le tamazight dispose d’un alphabet, le tifinagh, attesté dès l’Antiquité, que les Touareg utilisent encore et qui fleurit sur les pancartes de la cause kabyle. Au Maroc, il se ramifie en trois branches principales : le rifain, ou tarifit, parlé dans le Nord, le beraber, ou tamazight, utilisé dans la partie centrale et orientale des Atlas, et le chleuh, ou tachelhit, pratiqué dans l’Anti-Atlas et le Sous. Longtemps interdit, le tamazight retrouve peu à peu droit de cité dans les médias et les universités, grâce aux efforts de nombreuses associations militantes. Dans la pratique, beaucoup de Marocains parlent ou comprennent les deux langues. La toponymie à elle seule suffit à rappeler leurs origines berbères.
- Un feu de branchages abrité du vent par un rocher, des pierres pour fermer le foyer, une poêle au long manche, et ronfle le fourneau de fortune où cuit la galette de pain!
- Il suffit de visiter les marchés hebdomadaires – chaque village a le sien – pour s’initier au mode de vie berbère.
- Les jardins rayonnent en rosaces, les rivières coulent en zigzag; les femmes tissent des univers en miniature sur les tapis et les étoffes en laine ou en poil de chèvre.
Les pasteurs berbères aït haddidou du Haut Atlas se réunissent à Aït-Ammer, près d’Imilchil, la troisième semaine de septembre, pour fêter le saint protecteur de cette région montagneuse. Ce moussem de trois jours et trois nuits est tout à fait particulier puisqu’il conjugue la dernière grande foire commerciale avant l’hiver à une fête nuptiale. Les Aït Haddidou, qui sont monogames, peuvent, en effet, se marier et se remarier librement, et ce rassemblement tribal est l’occasion de célébrer des mariages en nombre, qu’un fonctionnaire inscrit au registre d’état civil. Cette fête a pris depuis quelques années un caractère touristique.
- soutenu flûtes rythmé par les tambours claquements accompagne danses collectives.
- On prête aux femmes berbères une plus grande liberté qu’à leurs sœurs musulmanes: elles portent d’ailleurs guère voile.
LES FEMMES:
Au visiteur de passage, le Maroc peut apparaître comme un pays essentiellement masculin. Le Coran recommandant aux femmes la modestie et la réserve, les Marocaines sont encore nom breuses à se couvrir le bas du visage et le cou d’un voile, mais sans la rigueur agressive avec laquelle certains musulmans, plus à l’est, bâillonnent leurs épouses, leurs filles ou leurs sœurs. Dans le nord du pays, seules se voilent les femmes d’un certain âge. Rares sont celles qui portent le haïk, long voile très enveloppant. Les Berbères représentent une exception notable: elles ne se voilent pas et circulent librement. En ville, on croise souvent des femmes d’âge mûr en djellaba ou en caftan accompagnées de leur fille qui porte, elle, un pantalon ou une jupe courte. En dépit de la progression assez récente du fondamentalisme, le Maroc reste sur ce point un pays relativement tolérant.
Bien sûr, les lycéennes et les étudiantes mani festent un désir très affirmé d’éducation et de promotion sociale; beaucoup de femmes tra vaillent et certaines ont réussi à obtenir des postes de responsabilité. Mais ce mouvement, qui a vraiment commencé avec les années 1950, n’a pas encore changé de façon radicale vie des Marocaines, surtout de celles qui vivent à la campagne. La tradition se maintient donc dans les milieux populaires, malgré les efforts impor tants de nombre d’institutions et de groupes de pression féministes.
LE STATUT DE LA FEMME MUSULMANE:
La tolérance et le pragmatisme marocains n’ont pas aboli la plupart des lois édictées par le Pro phète. La Mudawana (Code du statut personnel de la femme) est toujours en vigueur. Selon le Coran, la femme est une éternelle mineure: « les hommes doivent prendre les femmes en charge car ils leur sont supérieurs». C’est pourquoi elles ne peuvent quitter la maison sans le consen tement de leur époux, même pas pour se rendre au marché et, juste retour des choses, dans beau coup de milieux, ce sont les hommes qui se char gent de cette tâche. Traditionnellement, la mai son est un domaine féminin, mais il y a encore des femmes qui ne se montrent pas aux invités, que le mari reçoit seul. Elles ne sortent souvent
que pour se rendre au hammam aux jours et heures qui leur sont réservés, ou à l’occasion des fêtes, qu elles passeront entre elles. La part d’hé ritage d’une fille est réduite à la moitié de celle de ses frères.
La polygamie, interdite en Tunisie et en Algé rie, est licite au Maroc. Le roi Hassan II possédait un harem et, hors du Palais royal, nul ne connais sait le nombre de ses épouses. La mère de ses enfants, que l’on dit berbère, n’est pas un person nage public et l’on ignore jusqu’à son nom.
En théorie, un homme peut prendre quatre épouses; il peut même s’unir à une chrétienne ou à une juive (mais à l’inverse, toute musulmane se doit d’épouser un musulman). En pratique, bien sûr, il en va autrement car les conditions écono miques sont là pour limiter les rêves masculins. Quand un homme veut prendre une seconde épouse, il lui suffit de se présenter devant l’adil, assesseur du juge compétent sur ces questions matrimoniales. Mais il doit s’engager à assurer à ses épouses le même traitement et le même niveau de vie, ce qui n’est possible que s’il pos sède une fortune.
En pays musulman, le divorce est encore trop souvent l’apanage de l’homme et la répudiation un droit unilatéral: nombre de femmes appren nent que leur mari les répudie en recevant une lettre de l’adil. Elles n’ont aucun droit de garde de leurs enfants. Un homme peut divorcer puis se remarier avec la même femme. Mais il lui sufit de dire trois fois de suite « je divorce d’avec toi» devant un juge islamique pour que le divorce devienne effectif.
La cérémonie du mariage traditionnel fournit de bonnes indications sur le statut de la femme marocaine (voir p. 69). Pourtant, quand Maho met édicta ses lois sur la morale sexuelle et les liens du mariage, il reconnut que la femme avait, autant que l’homme, une sexualité qu’il lui était légitime de satisfaire.
DES PROGRÈS ASSEZ LENTS:
Au Maroc, le mouvement féministe se bat depuis longtemps pour que les femmes, dont le salaire est inférieur de 15 à 40% à celui des hommes, obtiennent la parité dans le travail. Le mouve ment, pour lequel la polygamie ne constitue pas le problème majeur, se préoccupe plutôt du pou voir abusif que le père, les frères et le mari exer cent sur les jeunes filles et sur les femmes. Les féministes se battent aussi pour que l’âge légal du mariage passe de 15 à 18 ans et pour que le divorce ne soit plus du ressort du mari et des autorités religieuses, mais de celui de la justice civile. Certaines associations réclament égale ment un statut légal pour les mères célibataires, car les enfants naturels, souvent le fruit d’un inceste ou d’un viol commis par le maître de maison sur une très jeune servante, n’ont pas d’existence légale. De toute façon, il est très difficile de reconnaître un enfant hors mariage. En l’an 2000, pour la première fois de leur histoire, les Marocaines ont été autorisées à défiler dans les rues de Rabat, pour demander la réforme de leur statut. Cependant, au même moment, à Casablanca, une contre-manifestation organisée par les islamistes rassemblait quatre fois plus de monde…
Les progrès seront lents. Le rôle des groupes de pression est avant tout de préparer un climat propice aux changements. La solution pas d’abord par l’alphabétisation des femmes : à campagne, 80% d’entre elles sont analphabères et, dans les écoles marocaines, les filles sont trois fois moins nombreuses que les garçons.
Chaque année pourtant, quelques Marocaine accèdent à de hautes responsabilités récemme encore réservées aux hommes. Ainsi, Nawal e Moutawakil, qui a obtenu la médaille d’or a 400 m haies lors des Jeux olympiques de Lo Angeles en 1984, est entrée au gouvernement, e 1997, en tant que ministre de la Jeunesse et de Sports. Quant à la diplomate Halima Embare Wazzazi, elle a été nommée, en 1997, vice-pré sidente de la 49e session de la sous-commission des Droits de l’homme aux Nations unies. Mais cette évolution reste circonscrite dans un champ élitiste trop restreint.
LE MARIAGE:
Des youyous fusent dans la nuit estivale, des der boukas et des tambours se déchaînent et une honne odeur de tajine envahit les rues de la inédina. Pas de doute, un mariage a licu. On le célèbre l’été, comme la grande majorité des mariages marocains, qu’on soit en ville ou à la campagne; et ce, par pure commodité, parce que c’est la période des congés.
Cet événement résulte d’une longue prépara non. La mère du promis a passé des mois, voire des années, en quête d’une bru. Cette immémo riale tradition se maintient en effet – plus peut dire chez les campagnards que chez les citadins. La perle rare trouvée, on a attendu qu’elle ait age légal requis: quinze ans (contre dix-huit pour les hommes). Pas question de tricher sur ce plan: il faut cosigner le contrat de mariage devant deux adoul (assesseurs d’un juge), en présentant les actes de naissance. Mais, dans tous les cas, la question de la dot a accompagné
la recherche de la fiancée dès le début. Le Code du statut personnel de la femme (Mudawana) stipule en effet que l’époux doit obligatoirement accorder une dot (sadaq) à l’épouse. Dûment porté sur le contrat de mariage, le montant de cette dot forme le patri maine inaliénable de l’épouse. Il constitue une garantie financière face aux risques de répudia tion par le mari (qui n’a alors « pas à motiver son acte »), de divorce et de polygamic.
Du jour où les parentes du jeune homme ont rencontré pour la première fois la maisonnée de la fiancée, la dot a fait l’objet d’interminables tractations au cours desquelles on aura fixé jus qu’à l’échéancier du règlement, et le futur mari a peut-être dû s’endetter pour la payer. Toute la noce doit en parler. Car la dot est l’aune à laquelle on mesure la richesse du l’estime qu’il témoigne à sa future belle-famille. Elle comprend prétendant et famille. I souvent la traditionnelle ceinture en or qui complétera le caftan de cérémonie, une longue robe sans col et à larges manches en bro cart ou en soie brodée. Le montant de la dot reflète aussi le statut de la fiancée, jeune ou moins jeune, active ou au foyer, fonctionnaire ou non, veuve ou divorcée, paysanne ou citadine et, avant toute chose, vierge ou déjà déflorée. Car la virginité reste une exigence forte: dans beau coup de régions, on exhibe encore les draps maculés de sang à l’issue de la « grande nuit ».
Les festivités de la noce vont durer deux bonnes journées. La première est celle de la
jeune mariée (aroussa). Elle reçoit son trous seau, parfois constitué depuis son enfance. Et on l’apprête. La negaffa (esthéticienne, profession nelle ou non, requise pour l’occasion) et ses aides baignent, épilent et coiffent l’aroussa, appliquent le henné en résilles compliquées sur ses pieds et ses mains. Toutes ces opérations sont ponctuées de conseils matrimoniaux. Les festivi tés qui complètent ces préparatifs se poursuivent jusque tard dans la nuit et les groupes de femmes conviées par la famille se répandent alors en invocations au Très-Haut, pour éloigner le << mauvais œil » de la future mariée.
La seconde journée tourne au spectacle. Tout le quartier est convié et la mariée est présentée aux invités. En ville, on lui fait revêtir des tenues différentes: en général, la première est tradition nelle, la seconde suit la mode occidentale. Elle trône comme une poupée aux joues rougies de fard sur un fauteuil doré, face à l’assistance, qui mange et danse au son des orchestres loués pour l’occasion. La fête se prolonge jusqu’à l’aube, moment où le marié vient avec les siens chercher la mariée pour l’emmener chez lui.
Et le cortège nuptial d’accompagner les époux jusqu’à cette demeure où le mariage sera consommé et où le couple «< uni en vue d’une vie conjugale et durable » construira << sous la direc tion du mari […] un foyer permettant aux époux de faire face à leurs obligations réciproques », comme le formule l’article Ier de la Mudawana…
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